Le Québec est devenu une terre d’accueil des réfugiés depuis le fameux tweet de Justin Trudeau qui invitait tous les persécutés du monde au Canada. Un nombre record de 150 000 demandeurs du statut de réfugié sont arrivés dans la province au cours des cinq dernières années, dont 91 000 qui sont entrés illégalement par le fameux chemin Roxham.
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Au total, le Québec a accueilli 52 % des demandeurs d’asile du pays, même s’il compte pour moins du quart de la population canadienne. Au cours de la dernière année, ce pourcentage a grimpé à 62 %. Et c’est loin d’être terminé.
Cet afflux exceptionnel a des conséquences importantes particulièrement dans la région de Montréal auprès :
- De plusieurs organismes communautaires de la métropole, où un grand nombre de demandeurs du statut de réfugié, souvent complètement démunis, se sont installés ;
- Du ministère fédéral de l’Immigration qui a pris un retard important dans l’émission de dizaines de milliers de permis de travail temporaire pour les demandeurs du statut de réfugié ;
- Des avocats en immigration qui ne suffisent pas à la tâche ;
- Des services sociaux assurés par Québec, même si les coûts associés aux réfugiés sont remboursés par Ottawa.
L’arrivée de réfugiés au Canada a connu un bond important depuis 2017. Il coïncide avec la publication d’un message de Justin Trudeau, sur le réseau social Twitter en janvier 2017, invitant les réfugiés à venir au pays.

« À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera... », écrivait alors le premier ministre.
500 M$ et ça continue
Pour le seul chemin Roxham, on calcule qu’Ottawa a dépensé 500 millions $ depuis 2017 pour les installations d’accueil et le remboursement des frais engagés par le gouvernement québécois, notamment l’aide sociale versée aux réfugiés et les séjours temporaires dans les hôtels, d’après des chiffres obtenus par Radio-Canada.
À cause de retards bureaucratiques au ministère de l’Immigration, un très grand nombre de demandeurs du statut de réfugiés n’ont pas pu travailler cette année. Ils ont été contraints à l’aide sociale, malgré leur désir manifeste de trouver un emploi.
Dans la région de Montréal, ils seraient 30 000 demandeurs du statut de réfugié à vivre aux crochets de l’aide sociale, selon diverses sources que nous avons pu consulter.
« Les services directs à la population assurés par le gouvernent fédéral sont extrêmement difficiles et pénibles présentement, et c’est dans tous les ministères », souligne le député Alexandre Boulerice, responsable des dossiers touchant le Québec au NPD.
Une autre crise
Après la crise des passeports et celle des aéroports, le député rappelle qu’Ottawa n’en est pas à son premier échec en matière de service de première ligne.
Majorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti, se désole de la situation.
« [Ces réfugiés] n’ont pas enduré toute cette misère en risquant leur vie pour arriver au Canada et rester assis à ne rien faire », affirme-t-elle.
C’est, pour elle, un énorme gaspillage de ressources humaines, d’autant plus inadmissible qu’il se produit en pleine pénurie de main-d’œuvre au Québec.
Encore loin de se résorber

L’afflux de réfugiés n’est pas près de se résorber, puisqu’on se dirige vers une année record au chemin Roxham avec 50 000 passages illégaux d’ici la fin de 2022, selon les estimations du ministère fédéral de l’Immigration.
Certaines journées, les arrivées peuvent s’y compter par centaines, comme l’ont confié des agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) la semaine dernière à un de nos photographes dépêchés sur place.
« L’augmentation de 2022 est le contrecoup de la fermeture du chemin Roxham pendant la COVID-19 », explique Maryse Poisson, de l’organisme communautaire Collectif Bienvenue, qui vient en aide aux familles de réfugiés.
Cette année est singulière d’une autre façon : une large partie des personnes qui passent par le chemin Roxham décident de demeurer au Québec, particulièrement dans la région de Montréal.
Francophones
« Cette année, on a beaucoup de familles haïtiennes, congolaises, et selon notre observation, la majorité des familles restent au Québec parce qu’elles sont francophones, remarque Mme Poisson. Ce qui était moins le cas il y a deux ans, avant la pandémie, alors qu’il y avait beaucoup de familles nigériennes, donc anglophones. »
Elle ne croit pas que la pression va se relâcher au chemin Roxham. « C’est dur à prévoir, mais on doit se préparer à accueillir beaucoup de demandeurs d’asile en 2023 », note-t-elle.